Le BG de ses dames
auteur : Driller_killer
dernière modification le 2022-11-01 14:39:49
* trigger warning = message d'avertissement

Gertrude frémissait de froid et d’excitation dans sa chambre. Elle frémissait aussi un peu de plaisir sadique, avouons-le. Elle arpentait son appartement de son petit pas claudiquant, arrangeant les fleurs du vase posé sur la commode, vérifiant le sucrier et les tasses sur la table de bois, humant parfois les volutes parfumés qui s’échappaient de la théière bouillante en souriant encore plus quand l'odeur entrait dans ses narines sèches, surveillait les allées et venues sur le parking sous sa fenêtre, resserrait son soutien-gorge qui se faisait la malle, qui soutenait avec peine sa poitrine vieillissante, tenait son chandail contre elle afin de garder sa chaleur. Son cœur battait la chamade et sa bouche se tordait en de petits sourires enfantins. Elle guettait, marchait, soutenait sa poitrine et fit ainsi jusqu’à ce qu’une sonnette stridente retentisse dans toute la pièce.
« Enfin ! s’exclama-t-elle en se ruant sur la porte afin d’appuyer sur le bouton autorisant le visiteur à ouvrir le hall principal un étage en dessous. »
Il n’était que dix-huit heures, les visites étaient autorisées encore une heure avant la fermeture des grilles. Fermeture de l’établissement. Prison. Amère, elle attendit, en gardant quand même le sourire afin d’accueillir dignement son visiteur, ce Clément dont on disait tant de bien dans les chambres voisines. Ce Clément responsable de la montée au septième ciel de ses compagne d’infortune. Responsable de leur belle mort, enviable et diabolique. Mais émoustillante.
Il arriva, souriant, devant la porte. Elle pouvait l’observer à travers le judas. Bien habillé, bien jeune, un bouquet de fleurs dans une main et l’autre lui servant à replacer quelques épis de cheveux sur son crâne lisse de gomina. Et surtout, selon ce qu’elle put voir en bas, elle put distinguer un fort bel attribut rien que par la bosse qui enflait les jeans serrés qu’il portait.
La main sur le cœur et le souffle court, elle ouvrit la porte doucement et se fit toute tendre en lui claquant une bise à laquelle le jeune homme répondit pas un baise-main digne et délicat.
« Bonsoir Gertrude, dit-il d’un ton doux, chuchoté. Comment vous portez-vous ce soir ?
— Fort bien jeune ami, fort bien, entrez, entrez, vous prendrez bien une tasse de thé ?
— Ma foi, pourquoi pas ! Où puis-je poser ce bouquet ?
— Laissez-les sur la table, je m’en occuperais tout à l’heure ! Installez-vous, mettez-vous à l’aise, nous n’avons que peu de temps devant nous ! »
Et le coupla improbable s’installa sur la petite table, versant thé, saupoudrant sucre et touillant tasses. Quelques minutes dérangées par les tintements de cuillères impatientes et les sourires échangés. Puis l’heure fatidique arriva.
« Clément… Vous savez sans doute ce qui vous amène ? chuchota la dame au sourire charmeur et édenté.
— Évidemment, et je suis prêt à vous satisfaire, belle demoiselle.
— Huhu, minauda Gertrude en se levant et en le regardant d’un air énamouré. Alors venez, mon lit n’attend que nous et il se meurt d’impatience ! »
Le duo se rendit au fond de la pièce afin d’entrer dans la minuscule chambre médicalisée de l’appartement et Clément retint un hoquet de stupeur.
Dans le lit se tenaient d’autres résidentes. Nues. Souriantes. Fripées. Mortes. Ses autres conquêtes d'une nuit, reliées à des tuyaux divers et des bonbonnes d'oxygène qui ne servaient plus à rien, à bien y regarder.
Il recula d’un pas.
« Ha non non, mon jeune ami. Vous voyez ce que vous avez fait ? Je veux que vous me fassiez la même chose. Je veux mourir avec ce même sourire. Je ne sais pas comment vous faites, mais débrouillez-vous pour y parvenir !
— Mais Gertrude, répondit-il d’un ton doucereux, je ne sais pas qui sont ces dames, mes services sont proposés par une agence tout à faire légale et je vous assure ne pas les connaître. On m’a fait venir ici pour la première fois… je ne sais pas de quoi vous parlez...
— Ho hé, vous m’la ferez pas à moi jeune nigaud ! Elles m’ont toutes parlé de vous avant que vous ne veniez les voir. Et sans moi vous auriez eu de graves ennuis, vous le savez ! C’est moi qui ai fait croire à leur fugue. En les amenant ici, de la maigre force de mes bras afin de vous épargner, vous et votre porte-monnaie, en vous épargnant, vous et votre jeunesse de barreaux de prison ; maintenant, vous allez vous dessaper jeune homme et me faire jouir de la même façon qu’elles. Et tout de suite ! Et sans rémunération, pour une fois ! Ce sera un pacte entre nous»
Alors le jeune homme, se sachant pris au piège, se déshabilla, rejoignit Gertrude tout aussi nue sur son lit entre ses amies putrescentes, grises et heureuses et tenta de trouver un peu de vigueur masculine. Il y parvint après de nombreux efforts, en fermant les yeux, s’allongea sur le corps flasque de son amie aux cuisses ouvertes et s’y engouffra d’un coup sec, yeux toujours fermés et narines hermétiques. Il la prit d’assaut en imaginant mille autres femmes, mille autres corps, mille autres tourments et parvint à jouir au bout d'une interminable demi-heure. Mais Gertrude ne fut pas satisfaire. Elle n'avait rien senti et n’avait émis qu’un faible gémissement à la toute fin. Frustrée, elle lui demanda de recommencer. Encore et encore. N’y parvenant pas, le pauvre Clément, essoufflé, se releva et se rhabilla sans dire un mot, la peur au ventre. Il Sortit de l’appartement, le vomi au bord des lèvres et s’enfuit à toutes jambes de l’ehpad maudit sans prêter attention aux protestations véhémentes de la vieille dame qui alpaguait tout le monde dans les couloirs noirs et silencieux.
Gertrude jubilait malgré tout en rentrant chez elle après quelques minutes où personne ne s'était soucié de ses cris, les surveillants avaient l'habitude de l'entendre gueuler chaque jour, et tant qu'elle criait, ça allait. Bien qu’elle n’eut pas reçu le sacrement souhaité ni sa dernière fois attendue, elle était au moins sûre d’une chose : le chancre que son preux chevalier ne manquerait pas de chopper la consolait. Et c’était pour elle un « cheh » bien mérité. Heureuse, elle s’endormit entre ses amies qui l’étaient déjà depuis fort longtemps et ne se réveilla pas le lendemain. Ni les autres.
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Histoire inspirée par Marilyne sur Twitter que je remercie.