Horror Stories

La maison de pierres


J'étais devant la maison de pierres, regardant au loin, fatiguée, amère et observant les champs morts et la pluie froide marteler le sol.
M'imaginant marcher, errer loin devant, loin, si loin que j'en perdais les sens et me faisait engloutir dans des marécages spongieux et boueux sous une lumière funeste.
J’étais devant la maison de pierres, dans une solitude écrasante. Supporter, subir, retenir et mourir. J’étais devant la maison de pierres regardant au loin et je suis partie.

Je suis partie loin de la maison de pierres, marchant, marchant, marchant, bras nus dans un hiver mordant, jambes nues sur une terre mouillée. Mouillée de larmes gelées, de pleurs salés et de souffles désespérés.
Je suis partie loin de la maison de pierres, marchant sans penser, marchant sans respirer, marchant sans regarder, n’écoutant que le bruit de mes pieds nus qui morcelaient la terre en y laissant des étincelles terreuses d’un cœur mort .

J’ai laissé derrière moi les âmes qui n’avaient plus de sourire, les âmes qui n’avaient plus d'étincelles. Les âmes qui aspiraient mon noir et s'en nourrissaient désespérément chaque jour.
J’ai laissé les âmes errantes dans la maison de pierres et j’ai continué. Les libérant.
J'ai continué mon chemin sur la terre mouillée sous la nuit d’encre, nuit sans étoiles. J’ai continué mon chemin sur les cailloux acérés et les flaques nées du sol, flaques de pluie gelée et de larmes salées.

J’ai continué. Continué. Continué. Hébétée.

Je ne voyais plus derrière moi la maison de pierres aux âmes éteintes.
Je ne voyais plus sous moi la terre mouillée.
Je ne voyais plus au-dessus la nuit noire.
Je ne voyais au loin que les yeux blancs des spectres marécageux.

Je voyais les yeux blancs flottant en cercle funeste autour d’une tache brillante dans les herbes folles.

Je sentais le souffle fétide des spectres venir à moi, dans les eaux boueuses.
Je ressentais la lumière des spectres marécageux m’éclairer, me guider.

J’ai marché droit devant, vers les eaux noires et j’ai sombré.
Sombré loin de la maison de pierres.

Libérée.
J’attends, les yeux ouverts et l’esprit clair, l’arrivée d’une autre âme hébétée… j’éclaire les lieux de mon cœur mort. Avec toutes les autres. Avec tous les autres.

Et nos cœurs battent à l'unisson dans un vide absolu. Nos yeux pleurent des larmes invisibles. Nos mains touchent le monde caché, le monde des maisons de pierres éclairées d'âmes bienheureuses. Nos âmes mortes chantent les vivants.