Lana chocolat
— Maman ! Maman ! Tu m'achètes ce truc sitôplait ?! suppliait Lana dans les rayons du supermarché à sa mère débordée.
— Lana, je t'ai dit mille fois que ces choses ne servaient à rien ! Tiens toi tranquille maintenant. On est au réveillon, tu n'as pas besoin de calendrier. Et le chocolat, c'est dégueulasse !
La discussion était close. La femme et sa fille continuèrent leurs emplettes dans le magasin bondé en cette veille de Noël, slalomant avec un caddie bruyant entre les clients énervés et pressés.
C'était d'ailleurs si bondé que maman ne vit pas le monsieur derrière elles, qui les écoutait et les suivait. L'homme avait pris un des calendriers que la petite avait montré et s'était mis derrière elles, silencieux et invisible. Il parvint à glisser l'objet dans le caddie de la femme sans qu'elle ne s'en aperçoive.
Après de longues minutes à errer dans les rayons, la maman et Lana arrivèrent à la caisse. Enfin. Hélas, quand la femme vit le calendrier de l'Avent au chocolat, elle se mit en colère et gronda Lana qui pleura, se défendant de ce méfait.
Et tandis qu'elles se disputaient (ou plutôt tandis que maman grondait la petite de cinq ans qui était impuissante), l'homme qui les suivait étudiait la scène. La colère bouillonnait en lui.
Après avoir tant bien que mal rangé ses achats dans des sacs plastique et avoir réglé la folle somme, maman et Lana sortirent du magasin avec des bras chargés toutes deux.
Elles marchèrent quelques minutes jusqu'à arriver devant une jolie maisonnette de briques rouges. Sobre. Propre. Et sans décoration de Noël, constata l'homme qui les avait suivies.
La soirée passa ensuite tranquillement. La petite fille fut envoyée au lit. Sans histoire. Sans câlin. Sans amour. Et l'homme, après s'être assuré que la femme était seule en bas en regardant par les fenêtres, s'approcha de la porte et sonna.
La femme ouvrit la porte et fut surprise. Elle n'attendait pas de visite, encore moins celle d'un inconnu à la barbe broussailleuse.
Elle n'eut pas le temps de dire un mot. L'homme, avec une sorte de hotte sur le dos, la poussa à l'intérieur de la maison, ferma la porte, et mit un doigt sur sa bouche pour intimer le silence à son hôte apeurée.
Il n'avait pas eu besoin de le faire en vrai, car elle était devenue muette de terreur.
L'homme lui dit alors :
— Je suis vraiment désolé m'dame. Mais ce que j'ai vu au supermarché m'a pas vraiment plu. Tout ce qu'elle voulait la gamine c'était des putains de chocolat !
La femme ne répondit pas.
L'homme la poussa encore jusqu'à la faire buter sur le canapé du séjour, et sortit de sa hotte le fameux calendrier.
Il plaqua la femme en robe de nuit au sol, d'une main ferme. Puis il déchira l'emballage, ouvrit les petites fenêtres cartonnées, ôtant chaque chocolat un par un.
Il força la femme à ouvrir la bouche en appuyant sur ses joues et enfonça chacun des chocolats à l'intérieur. La femme se débattit de toutes ses forces, mais sans succès.
Après que les vingt quatre petits carrés furent enfouis dans la bouche qui dégoulinait de bave et de chocolat, qui sentait les relents d'estomac retourné aussi, l'homme s'assit sur le ventre de la femme. Il la força à fermer la bouche.
— Et joyeux Noël, grognasse ! hurla-t-il au visage de la femme à terre qui agonisait, saignant de la bouche chocolatée.
La femme, sous le poids de l'homme et la gorge emplie de sucre, voulut vomir, mais rien ne pouvait sortir. Elle s'étouffa donc. Et elle expira là, comme ça, sous le poids de cet homme qu'on appelait d'ordinaire le Père-Noël.
Lana, le lendemain, découvrit des tas de cadeaux sous le sapin, dont un calendrier au chocolat, et un monsieur qui lui promit de prendre soin d'elle à l'avenir. Elle en fut enchantée. C'est ainsi qu'elle est devint la fille du Père Noël.
Moralité : achetez des putains d'calendriers à vos mioches...