Horror Stories

Jusqu’à ce que la voix se taise


Trevor craignait l’école.
Chaque jour était pour lui une angoisse perpétuelle lorsqu’il devait se rendre au collège. Même le beau temps ne le mettait pas en joie, et quand il devait se lever le matin, c’était avec une grande appréhension.
Dès que son réveil sonnait, Trevor faisait comme s’il ne l’entendait pas, jusqu’à ce que sa mère vînt cogner à sa porte.
Il avait une fois tenté d’expliquer les choses à son père, mais ce dernier s’était contenté de lui conseiller de se comporter en homme et de garder la tête haute en affrontant ses assaillants. Mais Trevor était loin d’être courageux et, au lieu de faire face, il fuyait.
Le garçon avait eu la malchance de naître avec une difformité au niveau du visage qui lui valait les sobriquets de « monstre » ou « extraterrestre » de la part de ses camarades. Chaque jour ses harceleurs se faisaient un malin plaisir de lui rappeler sa différence de manière plutôt brutale.
Trevor en avait plus qu’assez de ces mauvais traitements à son encontre. Cependant, s'il n'avait pas l’audace de répondre à ces agressions, il avait bien quelques idées morbides, des envies de meurtre murmurées à ses oreilles par les pensées qui depuis un temps parasitaient son esprit.
Toutefois, il ne voulait rien entendre. Il se refusait à devenir le monstre qu’ils dépeignaient dans leurs brimades. Alors, lorsqu’il sortait de classe au moment de la récréation, il se rendait sur le toit de l’école, là où personne n’osait s’aventurer. Et plus il ruminait, plus les pensées se faisaient vivaces. Dans ces moments-là, elles ne semblaient plus murmurer, mais hurler.
Trevor vivait avec un marteau lui tambourinant le crâne à longueur de journée. Il sentait qu’il pouvait saturer et craquer à tout instant. Pourtant, il paraissait tenir bon. Il alla sur le rebord du toit, en faisant bien attention de ne pas être vu, puis observa ses camarades jouer dans la cour.
De là où il se tenait, ils ressemblaient tous à de pathétiques petits insectes qu’il aurait pu écraser à coup de semelle. Ici il se sentait grand, presque invincible. Il se demanda alors pourquoi les craindre. Il devait agir, et aussi… faire taire les voix dans sa tête.
Le premier serait le plus facile. Il coupait toujours par le petit bois pour arriver plus vite chez lui. Trevor n’aurait qu’à le surprendre à l’insu de tous.

Vers 16h50, Trevor prétexta avoir mal au ventre afin de sortir plus tôt des cours. Il se rendit alors dans le bois où il patienta, guettant l’arrivée de l’un de ses tortionnaires. Le pire qui plus est.
Lorsque le garçon passa à sa hauteur tout ce qu’il ressentit fut un violent coup derrière la tête. Quand il reprit enfin connaissance, il était ligoté à un arbre.
Au-dessus de lui, une ruche d’abeilles se balançait dangereusement.
L’enfant se sentait poisseux. Et pour cause, une entaille avait été faite dans la ruche et le miel lui coulait dessus lentement.
Les abeilles volaient frénétiquement. Leurs bourdonnements assourdissants le terrifiaient. Il était pris au piège, à la merci de centaines de furieuses prêtes à piquer. Il voulait hurler, mais la crainte de les attirer l’en dissuada.
Toutefois, quelque chose vint heurter de plein fouet l’essaim, et la ruche s’écrasa sur le sol juste devant le garçon. Il poussa alors son hurlement contenu ; ce qui attisa encore plus la fureur des abeilles. Ses cris moururent dans la myriade de piqûre qu’il reçut ce soir-là.
Puis vint le tour des deux autres. Ces deux-là traînaient toujours ensemble. Trevor avait entendu une de leur conversation. Ils devaient se donner rendez-vous chez Sarah pour profiter de la piscine. Cette dernière leur avait laissé le droit de l’utiliser en son absence.

Trevor se rendit donc lui aussi chez cette Sarah.
Il arriva un peu en avance, alors il alla attendre une rue plus loin afin de ne pas se faire repérer.
Le soir était déjà tombé et le froid commençait à sévir. Trevor frissonnait tant bien d’impatience qu’à cause du temps. Puis, enfin, les deux idiots arrivèrent. Trevor attendit encore un peu qu’ils fussent entrés et se mit en mouvement. Il se rapprocha de la maison sans aller trop vite. Et tandis qu’il marchait en direction de celle-ci, il savourait sa future vengeance.
Il gravit les quelques marches du seuil et tendit l’oreille, collé à la porte. Pas un bruit. Les deux autres devaient déjà être dans la piscine. Il entrouvrit et passa la tête dans l’interstice. Il put alors les entendre jouer dans l’eau.
Trevor souffla et entra. Il se rendit ensuite en direction de la piscine. Entre celle-ci et la maison se tenait la véranda. C’est dans cette pièce que se trouvait l’interrupteur qui fermait le store de la piscine.
Trevor attendit que les garçons fussent bien au centre pour s’empresser d’aller appuyer sur le bouton.
Les deux enfants ne purent rien faire et ne furent pas assez rapides pour sortir de la piscine à temps.
Trevor resta là une petite heure, lui et sa voix jusqu’à ce qu’elle s’éteignît avec les hurlements des deux enfants dans leur prison aqueuse.
Le lendemain, ces trois-là feraient la une des journaux, certains les pleureraient, d’autres en resteraient indifférents.
Quant à Trevor, il pourrait enfin dormir sans cette voix lui susurrant d’horribles choses.

Puis, en ce qui me concerne, je vais me taire pour le moment. Jusqu’à ce qu’une pauvre âme, encore, ait besoin d’entendre une voix.

Je sais qu’elle m’écoutera.