Horror Stories

Comment améliorer efficacement votre vie ?


Comment améliorer efficacement votre vie ?


Vous n'êtes pas sans savoir que les écrivains, comme la plupart des artistes, sont complétement barges. Et je n'ai pas l'intention de vous faire changer d'avis, parce que je suis bien placé pour connaître la véracité de ces faits ; j'ai mes sources. Non, je vais vous raconter cette histoire pour vous prouver s'il en était besoin que les dingueries peuvent parfois s'avérer efficaces.

Je vais vous conter l'aventure la plus incroyable d'un groupe de trois amis qui en avait pourtant vu d'autres.

Jerry, Willie et Edgar étaient en ce temps-là la coqueluche du lycée le plus coté d'Arizona. Leur charisme incroyable et leur style détonant décoiffait tout le monde - et bien qu'il fusse agaçant pour tout le bahut de devoir se recoiffer tout le temps, cet étrange phénomène était compensé par la joie de les voir tous les trois passer dans les couloirs.

Le leader de la bande, se pavanant tel Ivanhoé, était Edgar. Personne ne savait comment il faisait pour ne pas se faire renvoyer après tous les problèmes qu'il causait au lycée et tout le monde pensait qu'il devait hypnotiser le personnel pour qu'ils ne voient jamais rien de ses forfaits. Par un hasard extraordinaire, le directeur se trouvait par ailleurs être son père. Edgar en jetait un max. Il avait les cheveux longs et s'habillait toujours avec des couleurs chatoyantes - à tel point qu'on le confondait parfois avec une œuvre égarée d'Andy Warhol.

Willie était le mec de 1m85 qui se promenait non pas avec son sac à dos, mais avec sa guitare acoustique - personne ne savait d'ailleurs où pouvait être son sac à dos, à tel point que des rumeurs circulaient selon lesquelles il ne serait même pas inscrit dans le bâtiment. (mais à vous, je peux le dire : il cachait son sac à dos dans sa guitare) Il s'habillait bizarrement, avec de longs manteaux et des bandanas. Il avait d'ailleurs toujours deux bandanas de rechange en permanence sur lui, un sur chaque poignet.

Jerry était assez riche et marrant pour que Edgar daigne traîner avec lui. Il était d'un banal affligeant esthétiquement parlant ; mais du point de vue intellectuel, ce type était une mine d'or. Mine d'or qu'il n'avait d'ailleurs pas : il avait toujours une mine épouvantable, comme s'il n'avait jamais dormi de sa vie. Pour le coup, il avait acquit le pseudonyme de "vampire du coin" auprès des gens, qualificatif qu'il appréciait bizarrement bien. C'était le seul du groupe qui avait les cheveux courts, et qui avait des chaussures cirées.

Tous trois étaient dans la même classe ; et le bazar avait commencé le 36ème jour de leur deuxième année de lycée. Pendant un cours de français, plus précisément...

[bruit de harpe évoquant un flash-back]

"Eh, file ton stylo, j'ai oublié ma trousse !

- Regarde d'abord dans ton sac.

- J'te jure, j'ai regardé, aucune trace de stylos ou de trousse !

- ...

- Sur la tête de mon chien !

- T'as pas de chien.

- ... Je vois que tu as percé mon plan à jour.

- Willie, j'essaie de travailler !

- Et moi, j'aimerais pouvoir écrire !"

Jerry et Willie furent coupés par la prof de français dans leur discussion étrange.

"WILLIE, ARRÊTEZ CE RAFFUT INSUPPORTABLE !"

Willie se renfrogna, l'air affligé, et sortit un stylo à bille noir de sa poche droite. Cependant, il eut à peine le temps d'écrire un mot qu'une sonnerie bizarre retentit.

Ah oui ! J'oubliais de vous prévenir. En ce temps-là, des attaques de lycées par des créatures louches (s'apparentant à des sortes d'oiseaux-requins) avaient été signalées en Arizona. Une alarme avait été mise au point pour leurs attaques. Quand les élèves l'entendaient, ils devaient rentrer dans le bâtiment, fermer les lumières et plonger sous une table en faisant le plus de bruit possible pour éloigner ces choses à l'ouïe particulièrement sensible. Bien, je reprends l'histoire.

"Oh non, encore un entraînement...

- WILLIE ! Les enfants, plongez tous sous vos tables et faites un maximum de bruit !"

Les élèves s'exécutèrent. La classe de français, constituée de 23 élèves, se vit plonger par terre avec toutes sortes d'objets pour faire un boucan pas possible. Willie avait pris sa guitare, Edgar ses baguettes de batterie et sa batterie (qu'il rangeait toujours dans son sac au cas où), et Jerry n'avait rien pris. Il comptait simplement tabasser la table. On entendit un tintamarre fantastique digne des plus grands tintamarres que la Terre ait porté pendant environ cinq minutes entières, entrecoupé de voix d'élèves qui se plaignaient de faire cet "entraînement à la con", ou au contraire d'élèves ravis de taper sur des trucs.

Après cinq minutes, la sonnerie cessa de retentir ; les élèves allaient pouvoir arrêter de taper partout. Mais n'entendant pas la sonnerie avec le bazar qu'ils faisaient, il durent attendre que Mme Werdwood allume la lumière, prévenue par l'administration, pour savoir qu'ils pouvaient arrêter.

"Ouf ! Il ne manque personne ?"

Tout le monde regarda la classe ; et après cinq secondes, des sueurs froides parvinrent dans le dos de tout le monde. Il manquait quelqu'un. Et maintenant qu'ils y réfléchissaient, les élèves se disaient qu'ils n'avaient en effet plus entendu la batterie d'Edgar après un certain temps.

"Edgar !? EDGAR ! COMMENT C'EST POSSIBLE ? PERSONNE N'A RIEN VU ? RIEN ENTENDU ?"

Évidemment que non. Personne ne voit rien et n'entend rien dans le noir avec tout le bruit que tout le monde avait fait pour éloigner ces éventuelles créatures volantes. Qu'avait-il bien pu arriver à Edgar ? Les fenêtres et portes fermées et tout le bruit avaient à 100% empêché tout assaut de ces oiseaux de malheur...et également toute fugue d'élève. Il était physiquement impossible qu'Edgar ait disparu. Mais alors, que se passait-il ? La classe de français arpenta la petite salle quelques temps avant de se rendre à l'évidence ; Edgar s'était volatilisé.

La fin du cours arriva, et Willie et Jerry arpentaient désormais le couloir. Leur ami venait de disparaître dans des circonstances bizarres, et ça n'avait rien d'habituel (sauf pour le comté de Géorgie).

Cependant, ils étaient en Arizona. Et en Arizona, tout est possible. Même que quelqu'un sorte une batterie de son sac à dos. Willie, contrarié, sortit donc dans la cour avec Jerry et sortit une Peugeot 403 de sa poche ; après quoi, il y poussa Jerry, se mit au volant et démarra, non sans allumer la musique au maximum de son volume.

"ÇA c'est d'la musique !

- Ralentis !

- Pas question ! Je veux savoir où est Edgar.

- Et en quoi un voyage en voiture à ... 120km/h pourrait nous aider à le savoir !?

- Parce que je sais où il serait allé s'il avait réussi à fuguer. Il y a une ferme à environ 200 mètres de là ; après un rapide calcul, j'en ai conclu qu'on y arriverait après environ 10mn en peugeot 403.

- D'accord. Et il aurait fugué là ?

- Non. Mais j'ai faim.

- Attends une minute. Il aurait fugué où ?

- Dans le pub à 600 mètres de là.

- Pourquoi on irait pas directement ? Comme ça, tu pourrais y manger.

- ...eh, parfois, tu me surprends par ton intelligence !"

Willie freina brusquement et fit un créneau, prenant la route du pub. Le pub en question était le plus réputé des pubs du village. Il s'appelait "Le Taxi Désaxé", et avait une clientèle énorme ; parmi elle se trouvait justement Edgar, fan de bière. Ce ne fut qu'après un peu moins d'une demi-heure de route et sept créneaux qu'y arrivèrent Willie et son acolyte (je l'appelle pas par son nom ; parce que de toutes façons, il va disparaître bientôt lui aussi.). Ils rentrèrent dans la belle bâtisse du taxi désaxé, et se payèrent deux bières blondes. Après quoi, ils entreprirent de fouiller le pub.

"Jerry, essaie les toilettes.

- Homme, femme ou handicapé ?

- Essaie handicapé. Et si tu trouves pas, va dans homme. S'il est dans les toilettes des femmes, tu entendras probablement un cri et tu n'auras pas besoin d'y aller.

- C'est tout vu.

- N'est-ce pas ? Vas-y, je m'occupe de fouiller la salle."

Jerry entra dans les toilettes, et personne dans la salle du pub ne fit attention à son cri étouffé peu après son entrée. Willie, quant à lui, fouilla absolument tous les recoins sans rien trouver. Edgar n'avait donc pas fugué...

"Willie ! Comment ça va ?

- Mrs Robinson ! À vrai dire, je -

- Et comment se passent vos études ? Et votre mère, elle va bien ?

- Oui, ça va.

- Et votre poisson rouge ? Il se souvient de moi, j'espère !

- ...je lui demanderais. Dites-moi, vous ne savez pas où est votre neveu, Edgar ?

- Oh si ! Maintenant que vous m'en parlez, je crois bien l'avoir vu dans la ruelle sombre derrière le pub se faire maintenir par deux hommes avec des cagoules noires.

- QUOI !? ET VOUS N'AVEZ RIEN FAIT ?

- Rien fait ? Pourquoi faire ?

- Il se faisait enlever, bon sang !

- Je ne crois pas. Ils m'avaient plus l'air de danser."

Willie lança un regard de profonde désapprobation à Mrs Robinson et courut vers les toilettes récupérer Jerry. Il lança un grand coup de pied dans la porte et appela son ami à s'en rompre les cordes vocales.

"JERRY ! JERRY ! EDGAR S'EST FAIT ENLEVER ! AMÈNE-TOI !"

Cependant, Jerry ne répondait pas. Et après avoir couru six secondes dans les toilettes à sa recherche et ayant manqué de tomber après avoir glissé deux fois, Willie décida que l'urgence en question ne nécessitait pas forcément Jerry et sortit en trombe du pub pour aller voir la ruelle sombre à l'arrière.

Seul un lampadaire était allumé à proximité.

"EDGAR ! EDGAR !? RÉPONDS, NOM DE DIEU !

- Tiens ? Qui est là ?

- Qui êtes-vous ?"

La voix qui avait répondu à Willie n'avait rien de celle d'Edgar, et c'était probablement dû au fait qu'Edgar n'était pas une vieille dame. Cependant, Willie ne voyait rien dans la ruelle et il se sentit d'ailleurs parfaitement idiot, puisque lui était sous le lampadaire ; la vieille dame et l'intégralité de la ruelle pouvait le voir, tandis que lui ne pouvait rien voir du tout.

"Je suis la vieille dame de la ruelle.

- Sans déconner !

- Tu ne chercherais pas Edgar, par hasard ?

- Comment le savez-vous ? Vous savez où il est ?

- Non.

- QUOI !?

- De qui parles-tu ?

- DE EDGAR !

- Qui ?

- ...je dois partir.

- Attends ! Tu ne veux pas savoir où est Edgar ?

- DITES-MOI OÙ IL EST ! QUE SAVEZ-VOUS ?

- Je sais des tas de choses. Ton copain n'est probablement plus très loin de Phoenix, Arizona.

- Comment savez-vous ça !? Vous l'avez enlevé !?

- Ne dis pas de bêtise, mon garçon. Néanmoins, je vais te donner un conseil : ne t'aventure pas à Carson City, Nevada.

- Mais...

- C'est pourtant bien plus sûr que Salt Lake City, dans l'Utah.

- ÇA SUFFIT ! ARRÊTEZ DE SPÉCIFIER LES COMTÉS DERRIÈRE CHAQUE VILLE ! Et puis d'abord, pourquoi me racontez-vous tout ça !?

- C'est pour ton bien, mon garçon. Maintenant, pars. Tu n'as plus rien à faire ici."

Willie suivit les conseils de la vieille dame de la ruelle, et commença à courir vers sa Peugeot 403 dans l'honorable but de retrouver Edgar à Phoenix ; tout en évitant Carson City et Salt Lake City. Il se mit au volant et mit Cat People à fond sur son auto-radio. Cette histoire était un énorme bazar - et ce ne fut qu'après 16 minutes de route qu'il remarqua qu'il n'avait même pas pris le temps d'emmener Jerry avec lui. Mais qu'il n'en avait rien à faire.

Son unique but était maintenant de comprendre le complot qui semblait se cacher derrière la disparition de son pote Edgar.

Une fois arrivé, Willie éteint le moteur et rerengea la Peugeot dans sa poche. Puis il mit ses gants en cuir noir et ses lunettes noires et avança dans la grande rue de Phoenix, scrutant les alentours. Cependant, il commençait à se faire tard : il était dans les environs de 18h12, et il commençait déjà à faire nuit. Ne voyant maintenant rien avec ses lunettes noires, il les retira et entreprit de trouver un pub où boire un coup avant de repartir à la recherche d'Edgar. Il accosta donc un homme au nez rouge dans la rue.

"Excusez-moi ?

- Mmh ?

- Je cherche un pub.

- Mmh.

- Euh...vous pourriez peut-être me dire où je peux en trouver un ?

- Mmh...

- Laissez-tomber, je vais en chercher un en marchant.

- Mmh !", dit l'homme à l'air pensif en s'éloignant de Willie sans même lui dire un "Mmh'' d'au revoir.

Willie, lui, était sceptique quand à cette rencontre ; et il accosta quelqu'un d'autre, un autre homme avec un imperméable.

"Excusez-moi ? Je cherche un pub où je pourrais trouver de la bière.

- Bonsoir ! Il y a un charmant pub à environ cent mètres, "Le jongleur de Phoenix".

- Je vous remercie !

- Bonne soirée, jeune homme ! Mouhahiahaha !"

Notre désormais unique protagoniste fit abstraction du rire étrange et partit dans la direction que l'homme à l'imperméable lui avait indiquée ; et en effet, après cinq minutes de marche, il arriva au Jongleur de Phoenix !

Willie entra, et éprouva d'un coup une grande sympathie pour le pub chaleureux dans lequel il s'aventurait. Il en oubliait presque le but principal qu'il poursuivait, lorsqu'il vit dans le miroir derrière le barman Jerry se faire assassiner sauvagement par un des oiseaux-requin qui sévissaient dans l'Arizona. Désorienté, naturellement, Willie se retourna pour voir ça de ses propres yeux ; mais il ne vit rien. Jerry était-il mort, ou n'était-ce que son esprit qui lui jouait des tours ? Il but sa bière d'une traite.

"Willie !? Mais qu'est-ce que tu fais là ?"

Le dénommé Willie se retourna une seconde fois pour faire face à la voix qui l'avait apostrophé.

"Oh tiens, mais c'est...euh...

- Harry.

- Harry ! C'est ça. Alors, que devient...

- Ta femme ?

- C'est ça.

- Elle va bien, elle va bien. Et toi, tu deviens quoi ?

- Oh, tu sais, la vie suit son cours ! Je peux te payer...euh...

- Une voiture ?

- Non, une bière.

- Mince. Oui, je veux bien.

- Tu fais quoi, maintenant ? Quitter le lycée en seconde n'offre pas tant d'opportunités que ça !

- Je suis devenu poseur de proches !

- Poseur de proches ?

- C'est un métier typique de Phoenix. Les gens font appel à moi quand ils veulent rassurer leurs proches. Je les rassure, en fait. On pourrait m'appeler le rassureur de proches.

- ...et que dirais-tu de devenir un ravisseur de poche ? J'ai une vieille dame à enlever.

- Mais t'es MALADE ! BARRE-TOI D'ICI !"

Willie s'était fait griller. Il recula loin de la portée de Harry et sortit du pub, se retrouvant à l'endroit précis où il avait vu Jerry se faire assassiner par une de ces créatures ; et ce fut bizarre de trouver par terre sous sa chaussure du sang pas encore sec.

"AHH !"

Il tomba par terre, et entendit soudainement une voix qui lui parût familière lui parler.

"Willie ? Willie !?

- EDGAR ! OÙ ES-TU ?

- J'en sais rien, il fait tout noir ! Aide-moi ! Y a trop de vibrations négatives là où je suis !

- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Décris-moi ce que tu entends.

- Une guitare...un moteur...ARGH !

- EDGAR ! EDGAR !?"

Willie n'avait cependant pas prévu que les piétons dans la rue trouvent bizarre de voir de loin un type aux cheveux longs habillé étrangement qui criait comme un dingue assis devant un pub. L'un d'entre eux avait d'ailleurs trouvé ça si louche qu'il avait appelé la police de Phoenix, à qui Willie avait dû expliquer la situation tant bien que mal pour ne pas passer la nuit au commissariat. N'ayant pas réussi à les convaincre, il dût par la suite s'enfuir avec sa Peugeot 403 jusqu'à la campagne, où il trouva un champ suffisamment grand pour y sortir son avion de poche.

Il avait obtenu suffisamment de notions des séries et films d'action à la télévision pour savoir conduire convenablement ses machins ; et, convaincu que la dame de la ruelle lui avait donné de faux conseils, vola jusqu'à Carson City, dans le Nevada. Il y arriva le lendemain, à 8h30, après avoir passé une excellente nuit grâce au pilote automatique.

"C'est plutôt une belle ville ! Je me demande s'ils ont des pubs. Monsieur ! Monsieur !

- Oui ?

- Je cherche un pub.

- Vous êtes sûr ? C'est pas un peu tôt pour picoler ?

- Non.

- Vous ne chercheriez pas plutôt votre ami ?

- C'est pas un peu tôt pour chercher mon ami ?

- ...si, vous avez raison. Vous trouverez un pub juste en face de vous, sur la place.

- Je vous remercie. Tant que j'y suis, vous ne sauriez pas où je peux trouver Edgar ?

- Quel est son nom de famille ?

- Rodriguez.

- Vous le trouverez pas dans cette ville.

- Hein ? Pourquoi ?

- Il est à Salt Lake, dans l'Utah.

- Cette ville est sûre ?

- Pas du tout.

- Mon Dieu, il est en danger !

- Oui. Mais si vous m'y emmenez, je pourrais vous indiquer la route !

- Vraiment ?

- Oui. Mon nom est Larry. Je suis un expert.

- Bien. Montez dans ma poche, on va le chercher."

Et après avoir trouvé un autre champ et posé son avion, Willie tapa la causette. Larry avait 23 ans, ce qui ne l'empêchait pas d'être plus petit que Willie. Ses cheveux étaient roux, attachés en une grande natte qui lui arrivait jusqu'en bas du dos. Il compensait ce coloris incroyable en s'habillant tout en noir. Ils arrivèrent pour midi à Salt Lake (ils avaient mis du temps, parce que le pilote automatique avait mal compris le nom de leur destination et qu'il les avait amené d'abord à Balsam Lake), atterrirent sans encombres et rangèrent leur avion. Ils arpentèrent ensuite tous les deux les rues, à la recherche du sosie d'Ivanhoé qu'était Edgar.

"Je crois pas qu'on arrive à quoi que ce soit avec cette technique.

- T'as raison. Tu m'as dit que tu connaissais bien cet endroit, où est-ce qu'on pourrait trouver un restaurant pour manger ?

- Pas loin d'ici, y a un restaurant à volonté.

- Oh, euh...si t'y vois pas d'inconvénient, je préfère éviter les restaurants à volonté.

- Pourquoi ?

- Tu sais, on raconte toutes sortes d'horribles histoires sur les restaus à volonté, et...

- Je vois. Que penses-tu d'un restaurant chinois ?

- Euh...

- D'accord, d'accord ! Un burger !

- Parfait."

Larry guida donc Willie jusqu'à un fast-food des environs. Ils entrèrent, et commandèrent avant d'aller s'asseoir sur l'une des nombreuses tables. L'ambiance était propice à un repas des plus américains ; cependant, Willie ne se sentit pas tout de suite en sécurité - ce qui n'était sûrement pas en rapport avec le fait que tous les regards se soient rivés sur eux deux et que toute activité ait cessé quand il étaient rentrés, mais bien à cause du fait que les fourchettes avaient trois dents.

"Non mais regarde ça. Ils sont même pas fichus de mettre des couverts standards.

- Peut-être, mais leurs menus sont fantastiques. Tu verras."

Les activités reprirent dans le restaurant, et on ne tarda pas à leur servir leurs repas.

"WOW !"

Le plateau était plein à ras-bord de frites, de burgers, de sodas et de glaçons en tous genres.

"Et voici pour les deux messieurs ! Bon appétit !

- Merci !

- Merci beaucoup ! Ça a l'air délicieux !"

La serveuse repartit en les regardant avec un air bien moins sympathique que celui qu'elle arborait devant eux et Willie et Larry recommencèrent à discuter.

"Bon. On va où, ensuite ? Tu penses que Edgar se trouve dans un pub de la ville ?

- J'en suis sûr. Tu sais que les gens d'Arizona peuvent tout ranger dans leurs poches, n'est-ce pas ?

- Bien sûr.

- Regarde ce que j'ai là.

- Mon Dieu ! Un mini-golf !

- Ah non attends, je me suis trompé. ... Voilà. Regarde ça.

- Mon Dieu ! Un oiseau-requin !

- Eh oui ! J'ai réussi à en capturer un. C'est impressionnant, n'est-ce pas ?

- Wow. Mais en quoi peut-il nous aider à retrouver Edgar ?

- Ces bêtes ont une ouïe et une vue hors du commun ; et j'ai réussi à dresser celui-là !

- Comment t'es trop malin...

- Il suffit donc de lui montrer une photo de Edgar, et il nous le retrouvera vite-fait.

- Parfait ! Faisons ça après manger. Pour l'instant, occupons-nous de liquider notre plateau."

Et il le liquidèrent. Ils sortirent ensuite sans faire attention le moins du monde à l'air menaçant qu'arboraient tous les gens du restaurant dont les regards étaient de nouveau rivés sur eux.

"File-moi le piaf.

- Tiens.

- Petit oiseau, regarde ce type. Il faudrait que tu nous le rapporte. Tu peux faire ça ?

- "Wraaa!"

- Merci beaucoup. On t'attend là.

- Willie, vu les gens qui s'approchent lentement de nous avec un regard vide, je doute que ce soit une bonne idée.

- ...d'accord. Je prends ma peugeot 403, je t'attends dans le bled d'à côté.

- Wraa!

- Dépêche ! Ils ont pas l'air commodes.

- Une seconde ! J'ai un paquet de trucs dans ma poche, c'est pas évident de retrouver ma 403. Ah, voilà !"

Willie posa la 403, et Larry et lui roulèrent jusqu'au biennommé "bled d'à côté". Une fois arrivés, ils furent d'une part heureux de constater que les habitants n'étaient pas aussi inquiétants que ceux de Salt Lake City, et d'autre part refaits par la présence d'un banc sous un arbre. Ils s'y posèrent, et soufflèrent un coup.

"Toby ne devrait pas tarder à revenir.

- Toby !?

- Oui, Toby. C'est le nom que j'ai donné à mon oiseau.

- C'est un nom complétement ridicule pour un oiseau-requin.

- QUOI !? Et toi, tu l'aurais appelé comment !?

- Avec un nom plus approprié, par exemple Rocky !

- ...c'est vrai que c'est mieux.

- Ah, tu vois.

- OH ! Le voilà !"

Toby apparaissait à présent à l'horizon, tenant dans son bec une silhouette humaine qui se débattait.

"YOUPI ! IL L'A RETROUVÉ !"

Willie sautait de joie sur le banc, heureux comme tout. Mais il s'arrêta bien vite lorsque Toby s'approcha et qu'ils virent tous deux que le type qu'il tenait dans son bec n'était absolument pas Edgar. En fait, il ressemblait beaucoup à Edgar ; il avait le même style, mais il était plus grand, avait l'air plus intelligent, moins agaçant et avait des yeux marrons. Quand il se posa sur le sol, il cessa de se débattre et s'adressa agacé à Willie et Larry.

"Qu'est-ce que ça veut dire !? Qui êtes-vous ?

- Je m'appelle Willie. Et lui, c'est Larry. Tu n'es pas Edgar ?

- Je m'appelle Gary. Vous recherchez quelqu'un ?

- Edgar. On a perdu sa trace depuis deux jours, il a disparu en plein cours de français.

- Je cherche également des amis. Je peux continuer à traîner avec vous ?

- Bien sûr. Tu pourrais nous aider à le retrouver !

- Attendez une seconde. Vous êtes sûrs que c'est pas dangereux de tenter de le retrouver ?"

Willie réfléchit.

"Je pense que c'est dangereux.

- Et vous êtes sûrs qu'il est encore en vie ?

- ...non.

- Vous pensez vraiment que ça vaut le coup ?

- EH ! EDGAR EST MON AMI !

- Combien tu as d'amis ?

- Deux. Mais les deux ont disparu.

- T'en as deux autres sous tes yeux qui m'ont l'air bien mieux que tes anciens amis ! Et tu veux malgré tout les retrouver alors qu'ils ne sont peut-être même plus en vie et que ça peut être mortel ?

- Euh..."

Larry intervint.

"Vu comme ça, c'est vrai que ça a l'air bête.

- Vous savez quoi ? Vous m'avez l'air bien mieux que Edgar et Jerry.

- C'est sûr !

- Je vous prends à l'essai.

- OUUUAIIIIS !"

Gary et Larry furent refaits, et Willie également. Il s'était débarrassé de deux boulets et avait trouvé deux amis qui avaient l'air bien mieux pour remplacer Edgar et Jerry. Décidé, il posa son avion par terre, y fit rentrer Gary et Larry, et ils rentrèrent en Arizona, où ils coulèrent de fantastiques jours. Willie quitta le lycée peu après pour ouvrir un pub avec ses deux nouveaux amis, et les affaires marchèrent bien. La vie n'avait jamais été aussi belle.

Moralité : si l'un de vos amis disparaît, voyez ça comme une opportunité de vivre une nouvelle vie ! N'y pensez plus, et n'essayez pas de le sauver. La meilleure chose que vous pourrez faire pour lui sera de le laisser là où il est !


- Muffin Man