Horror Stories

CALENDRIER - 24 décembre 2020


HISTOIRE GAGNANTE 2020 - sélection de Driller_Killer.


Il faut savoir qu'elle était en compétition avec un texte de Concombre ancien qui respectait les codes de l'horreur tels que je les aime normalement, elle est chez mon binôme donc qui sait ? On saura donc plus tard qui est son grand gagnant, en attendant j'vais lui botter les fesses.


Le texte ci-après, tout en métaphore et poésie noire nous transporte dans un monde sombre, mélancolique.


Découvrez donc l'histoire du Lotus de Majoca !



MAJOCA 613 - LE LOTUS



Un premier pas vers la mort, un second vers la fin. Les corps tombent et s’affaissent dans un bruit sinistre, les cœurs s’arrêtent dans le silence le plus total. Les cordes s’effritent à mesure que les cous y passent et que les souffles s’arrachent. Les voix et les pas ne font qu’un, le vent est le seul que le silence respecte. Malgré cette symphonie sans aucun son ; dans leurs esprit quelque chose naît. Un pétale rose fait naître l’espoir un instant puis disparait ; englouti.


En ce lieu mortuaire et assassin les esprits rencontrent la fin et son calme presque rassurant. Les planches tombent ; les corps se tendent puis glissent vers la morgue. Pendus, exécutés sous les yeux d’autres futurs défunts ; la valse ne s’arrête jamais. Défendus de crier ; défendus de se débattre de leurs yeux translucides la mort se dessine. Les seuls voix qui se permettent de transpercer le silence sont celles des enfants qui voient le futur ; qui voient ceux qui tombent et ne se relève jamais. Dans leurs regards se dessine cette plante ; cette fleur dont les pétale se referment à mesure que l’espoir s’enferme. Un lotus inconscient s’était ouvert dans leurs âmes, ses pétales donnant sous le soleil de la vie mais à présent la nuit tombe. Sa silhouette se referme prête à elle aussi ne jamais se rouvrir, ne plus jamais se mouver. Sa couleur rose disparaît dans une teinte obscure, la plante tachée d’une encre noire qu’est le sang.


Ils tiennent à la vie comme à un bijou sacré mais il se rouille et s’oxyde, tombe en cendres et en miettes. Les bruits des chaines raclant le sol paraissent interminables, la terreur sillonnant les veines de chacun se renforce. Leurs lèvres de marbre s’entrouvre et laissent passer un son ; un unique son ; un soupir. Leurs poings se ferment et d’un seul pas le temps qu’il reste s’évapore. Un nuage de poussière les survole dans une masse âcre. Mais cette brume ne suffit pas à cacher l’horreur qui s’étends devant eux. Ceux et celles qui montent sur les marches grinçantes, pieds et mains liés par une corde qui part en lambeaux. Ceux et celles dont les cous passent entre la fin et le début ; une énième ficelle maitresse de leurs vies. Ceux et celles dont le cri s’éteint bien avant de sortir. Ceux et celle dont les corps s’entassent sur d’autres encore chauds.


Elle, elle se rapproche et elle pourrait sentir chacune de ses cellules se pétrifier dans un élan de désespoir. Elle sent son lotus se refermer et chacun des pétales brûler pour ne plus jamais renaître de ses cendres. Les nerfs tendus mais sans aucune colère ni haine. La jeune fille se sent juste vide et livide ; livide par son teint ; vide par son être. A présent, elle comprend que les besoins primaires de la faim et la soif sont remplacés par un désir de vivre. Un désir de s’étendre sous le soleil, de faire renaître l’espoir, que le rose jaillit des ténèbres et illumine son corps entier. Mais il n’en est rien ; tu ne peux rien faire face à ton destin. Reculer est suicidaire, rester ici est impossible et avancer devient la meilleure solution. Un pas de plus vers son destin.


Ses chaine raclent le sol dans un nouveau nuage de poussière. Le long de ses joues sableuses glisse une larme ; laissant derrière elle un filet argenté. Une nouvel larme dévale son nez puis se loge dans son cou, imbibant ses vêtements trop grands pour elle. Dernier pas. Courageuse, elle défie du regard la pendaison, courageuse elle défie du regard le bourreau dans un coin. Plus aucune larme ne coule ; elle doit devenir forte. Comment se sortir des ténèbres alors que dans quelques secondes tu seras plongé hors de l’espace-temps ? En espérant. Ses poumons se gonflent d’un air froid et glacial qui réveille ses sens engourdis.


La cloche retentit et les bruits des chaînes seront bientôt loin derrière elle. Ses pieds nus maculés de terre se pose sur la marche grinçante. La tête haute elle avance, le regard vaillant elle regarde au-delà de la corde qui va lui retirer la vie. Elle monte sur la boîte, passe son cou entre l’espace et le temps, soulève ses cheveux avec fierté. Puis elle regarde loin ; après la foule de prisonniers ; là où le soleil va se coucher et où son âme va s’envoler. Elle pense à ses jours et les quelques secondes qui lui restent. Elle songe non pas à ses erreurs mais à ses réussites. Elle songe à la fleur qui se fane en elle telle sa vie qui s’achève. Son cœur palpite un instant. Son estomac se serre. Ses yeux se closent et elle imprime dans sa mémoire les derniers instants de sa vie : le soleil orangé, les regards de pitié et un lac où des milliers de lotus s’épanouissent. Un lac où leurs âme se retrouveront au-delà de la mort.


Soudain dans un clac , la corde se tend et son corps s’effondre sans vie ; son âme s’envole et sa peau encore chaude tombe sur un corps glacé. Le silence renaît et en elle tout se noircit enfin, plus aucune lumière n’émane de ses yeux car ils ne sont plus que des miroirs brisés de larmes.