Horror Stories

CALENDRIER - 17 décembre 2020


[TEXTE DE CONCOMBRE ANCIEN]


TITRE : Des dessins trop parfaits


L'inspecteur Smith roulait à travers la ville sous l'intensité de la pluie. Il enquêtait sur des disparitions survenues il y a quelques jours déjà. L'une des victimes, disparue hier, s'était rendue chez un dessinateur qui proposait de faire des portraits à bon prix.

Smith s'y rendit afin d'en savoir plus sur sa disparue. L'homme vivait dans un quartier pauvre à appartements, des ordures trainaient devant les entrées. Smith se gara dans le petit parking et leva les yeux vers l'immeuble gris de plusieurs étages, il se dit qu'il était sans doute sur le point de tomber en ruine et que ce n'était pas un endroit pour exposer des œuvres.

Il finit sa cigarette avant de l'écraser sous son pied. Ce lieu identique à bien d'autres le fatiguait de sa routine habituelle. Il se dirigea vers la porte métallique qu'il poussa.

Au-delà de la porte noire se tenait une pièce faiblement éclairée où étaient exposées des toiles le long d'un mur. La lampe n'arrêtait pas de grésiller et donnait vie à des ombres étranges sur les murs. Il entreprit de grimper l'escalier au bois grinçant. D'autres toiles étaient posées contre le mur.

Il s'arrêta et observa l'une d'elles. Une jeune femme rousse était dessinée, elle portait un t-shirt bleu et un pantalon noir. Elle abordait un rouge à lèvre et son regard semblait vivant. Le dessin semblait si réaliste, l'inspecteur en fut bluffé.

Il alla passer sa main dessus quand une voix l'interpella.

— Non ! Ne touchez pas ! cria un homme venant de l'étage.

Smith se tourna vers l'homme d'une trentaine d'années qui abordait une moustache qui lui rappela Dali. Il sourit face à son accoutrement ; un haut-de-forme et un costume noir.

— Vous devez être le dessinateur ? demanda Smith.

— Oui ! Et vous alliez saccager l'une de mes œuvres ! s'énerva-t-il.

— Ce n'était pas mon intention, vous dessinez remarquablement bien. Vos portraits sont tous réalistes, déclara l'inspecteur en gardant son calme.

— Merci ! sourit l'homme. Vous devez être l'inspecteur Smith ?

— Oui, vous m'aviez autorisé à venir au sujet d'une enquête. Mélinda Brook, ça vous parle ?

L'homme réfléchit un instant en passant sa main dans sa moustache et invita Smith à monter.

— Une jeune femme blonde il me semble ?

— Oui, elle était venue vous demander un portrait.

Ils arrivèrent au sommet du quatrième étage. D'un côté se trouvaient les appartements privés du dessinateur et de l'autre une pièce vide avec en son centre une chaise face à un chevalet.

Les murs de droite et de gauche étaient décorés de nombreux portraits dont celui de la victime. Nulle fenêtre, seulement des néons éclairant fortement la pièce.

— Elle était en effet venue, une charmante dame.

— Pourquoi aucun de vos modèles ne décident de prendre son portrait ? s'interrogea l'inspecteur.

— Oh il y en a qui le prennent mais d'autres non.

L'inspecteur remarqua que d'autres personnes disparues avaient été dessinées, il plissa les yeux, surpris. Il commençait à se demander si cet homme ne les tuait pas simplement.

Ils n'ont cependant jamais trouvé de corps, quelque chose lui procura des sueurs froides, une chose l'angoissait mais il n'arrivait pas à savoir quoi.


*

Un jour plus tôt…

Mélinda se rendit chez cet artiste dont elle avait entendu parler, elle voulait voir de quoi il était capable. Elle pouvait se permettre de dépenser un peu d'argent pour cela.

Elle avait dû prendre rendez-vous la veille et était appelée à venir dans la matinée. Dès qu'elle entra, c'est une odeur piquante qui l'assaillit. C'était désagréable mais elle s'y fit rapidement.

L'homme l'accueillit et la fit monter directement au dernier étage où elle s'assit.

— Voilà ! Ne bougez pas, ça devrait durer une trentaine de minutes !

Mélinda était étonnée, elle avait vu des portraits sublimes qui auraient pris des heures de travail alors faire tout ça en une demi-heure, cet homme devait être un excellent dessinateur.

Elle attendit patiemment en souriant. Elle était concentrée sur les traits de l'homme, le seul bruit venait du crayon qui parcourait la grande feuille. Au bout d'une trentaine de minutes, l'homme se redressa et sourit.

— Et voilà ! s'écria-t-il. Il ne manque plus que la touche finale, la couleur !

— Vous pouvez me montrer comme ça ? demanda la jeune femme.

L'homme acquiesça avant de retourner le chevalet. Mélinda grimaça face à cette horreur ; il s'agissait d'un vulgaire dessin à peine représentatif. Il manquait de nombreux détails et on ne la reconnaissait même pas.

— C'est… différent du reste de vos œuvres, admit-elle.

L'homme rit étrangement.

— Une œuvre inachevée sera toujours différente d'une œuvre achevée !

Elle sursauta quand il plaça sa main sur sa poitrine. Elle devint rouge de colère et le repoussa.

— Dégagez pervers !

Quand elle recula, elle remarqua qu'un pentagramme était dessiné sur ses vêtements. L'homme claqua des doigts et ce qui semblait être un fil relia Mélinda à la toile.

Elle fut paralysée, elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Son corps se mit à avancer tout seul alors qu'elle pâlit et trembla.

— Qu'est-ce qui m'arrive ! cria-t-elle.

— Il se passe que mon œuvre sera bientôt terminée ! ricana-t-il.

Dès que Mélinda toucha la toile, ses hurlements de terreur disparurent. La toile était à présent magnifique et représentait Mélinda à la perfection. L'homme afficha un rictus alors qu'il passa ses doigts sur le dessin : il pouvait sentir ses cheveux, sa peau et le tissu de ses vêtements.


*

En train d'inspecter les toiles, Smith n'avait pas remarqué que l'homme dessinait. Il se tourna, surpris par le bruit. Il dévisagea l'homme qui le regardait étrangement.

— Que faites-vous ? demanda-t-il.

— Vous comprenez vite inspecteur, c'est fâcheux.

Smith glissa sa main sous sa veste où était son arme. Il ne comprenait pas pourquoi le dessinateur avait représenté un cercle vide mais il avait un mauvais pressentiment.

L'homme lui sauta dessus. Il sortit son arme et tira. Le sang l'éclaboussa, le dessinateur cria quand son épaule fut touchée. Smith se sentit attiré par le cercle, il pâlit et lança un regard noir à l'homme.

— Qu'est-ce que c'est ?! cria-t-il en tirant à côté.

— Un dessin raté ! rit-il alors que la douleur le faisait souffrir.

Les derniers cris de l'inspecteur disparurent au moment où le cercle prit plusieurs teintes différentes.

L'homme s'assit et ricana avant de caresser sa moustache.