Horror Stories

Après le purgatoire


C'est l'odeur des cadavres qui m'a réveillé.

Leur odeur et leur... mobilité.


Ils étaient tous autour de moi. En dehors de la cage de verre. Tapant de leur main flétries le double-vitrage. Des traînées de sang serpentant de haut en bas, se croisant et s'éloignant l'une de l'autre, apportaient une touche colorée dans ce blanc immaculé. Les morts grognaient, montrant leurs dents noires, me regardant, sans vraiment le faire, de leurs yeux crevés, inexistants.


C'est l'odeur de leur faim qui m'a réveillé.


Ce que je foutais là ? J'ai pas la queue d'une idée mec. La cage semble sans issue. Comme si une main gigantesque m'avait posé là, délicatement, et avait ensuite soufflé le verre autour de moi, pour me protéger de la horde de morts, dans cette pièce gigantesque, cette pièce éclairée par le soleil lui-même. Blanche, lumineuse. Contraste de folie avec la mort qui m'encerclait. Comme si j'avais été une poupée dont on avait pris soin de la protéger des affres du temps et de la vie. Une poupée nue qui gigotait au son des grognements sordides de l'extérieur.


C'est l'odeur de la mort qui m'a réveillé.


Ils dansaient autour, tapant toujours sur la cage. Ma cage. Ils chancelaient. Le sol, sous leurs pieds morts, se teintait de noir et, dans ce noir putride, de petites choses blanchâtres se faufilaient entre leurs orteils décomposés. Des petites choses bien vivantes elles. Libres, en vie, innocentes et inconscientes. Je n'ai pas compté, mais à vue d'oeil, il y avait bien une dizaine de cadavres, là, autour de moi. Qui espéraient m'avoir pour eux. Pour satisfaire leur ventre noir et digéré par le temps.


C'est l'odeur de la peur qui m'a réveillé.


Je me souvenais pas de ce que je faisais avant de me réveiller. Ou plutôt avant d'atterrir ici. J'crois que j'étais chez moi. Dans mon lit. J'pensais à ma jeunesse. J'me souviens que j'faisais un rêve immonde avec un clow dégueulasse qui vomissait le noir de l'Univers. Puis... j'me suis réveillé ici, dans ce vivarium sur mesure, avec la mort autour qui bougeait en rythme régulier, un pas, un coup sur la vitre, un pas, un coup...


C'est l'odeur de ma pisse qui m'a réveillé.


J'ai fait. J'ai uriné sur moi, à même ma peau, réchauffant mes cuisses et mes pieds refroidis. Le sol blanc, ce carrelage scintillant. Y avait que ça ici. Rien d'autre. Pas de meuble, pas de chiotte. Que les parois de verre et les zombies derrière. Prison translucide.

Les morts tournaient encore, mais ils ne tapaient plus, comme s'ils avaient compris que ça servirait à rien. Que j'étais en sécurité, si proche, et si loin d'eux à la fois.


C'est le bruit de la vitre qui m'a réveillé.


C'est quand l'un d'eux a commencé à foncer vers la vitre que j'ai compris leur éloignement. Ils avaient fait une fissure sur le bas, à force de taper sur le haut. Aucune putain d'logique ici. J'avais l'impression qu'il en venait de plus en plus dans l'infinité de cette pièce blanche sans fond. Sans fin. Plus de trente maintenant. Et celui qui était le plus proche de la victoire faisait entrer ses doigts infects à travers la fissure pour l'agrandir.

Puis, un bruit. Caractéristique. La vitre cédait. Ils sont venus en masse s'affaler dessus.


C'est le bruit de leurs dents qui m'a condamné.


Le tapis de sang pourri s'immiscait dans ma cage, les asticots avec. Ma prison n'était plus que ma tombe. Ils vinrent par centaine après que la paroi aie cédé sous leurs coups. Leurs dents claquaient, clic clic clic... Une cacophonie insupportable. La mélodie de la mort. J'ai fermé les yeux. Croyant que, comme dans mon rêve, ça changerait certaines choses. C'était pas un rêve. Ni même un cauchemar.


C'est la morsure de la mort qui m'a emporté.


J'ai gardé les yeux fermés. Je les ai laissé me dévorer. La douleur me faisait penser à mille cigarettes incandescantes sur mon visage, mon cou, mes jambes. A mille ceintures cinglantes sur mon dos et mes cuisses. A vif. A mille couteaux déchirant mon ventre. Mon sang n'avait pas le temps de se vider. Ils le suçotaient à mesure qu'il s'écoulait de mes plaies béantes.


C'est ma mort qui les a endormis.


Silence. Noir. Je n'étais plus.


J'ai rejoins mes compères alors que la cage, neuve, brillante, abritait un autre homme nu qui se réveillait, désespéré.


C'est l'odeur de sa chair qui m'a attiré.




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Driller_killer

2021-03-28 15:08:17

Navrée pour toi m'sieur xD
Mes excuses à ta femme, soutien à elle !

Axel

2021-03-28 15:03:57

Ou comment avoir l'art de mettre les chocottes à quelqu'un. Ma femme va encore râler parce que je laisse la lumière allumée pour dormir. C'est malin, ça...